Comme l'atteste l'accord secret signé avec l'Allemagne le 2 août 1914, l'Empire ottoman se prépare à participer à la guerre aux côtés des Puissances centrales, mais n'entre vraiment en guerre que le 2 novembre 1914, lorsque sa marine attaque des ports russes de la mer Noire. Le ministère français des Affaires étrangères a voulu croire jusqu'au bout que Constantinople maintiendrait sa neutralité affichée, recommandant à l'ambassadeur Bompard, comme à son allié russe de multiplier les efforts dans ce but. Même après l'abolition unilatérale des Capitulations (9 septembre), de la protection française sur les Lieux Saints (24 octobre), ou de la rupture des relations diplomatiques (28 octobre), Paris tente l'apaisement, tant pour éviter les risques d'un nouveau front que ceux de tensions dans ses colonies musulmanes. L'état de guerre n'est reconnu de facto, à contre-coeur, que le 5 novembre, non contre la "nation ottomane" à laquelle le Gouvernement de la République "ne retire pas sa sympathie", mais "contre le gouvernement actuel de Constantinople composé d'éléments inféodés à l'Allemagne". D'où un relatif régime de faveur pour les Ottomans, opposants ou issus des minorités opprimées, qui seront autorisés à rester en France sans être internés au titre de ressortissants ennemis. Mais l'intérêt bienveillant des Puissances de l'Entente pour ces minorités - dont les Arméniens au premier chef - les désignent aussi comme cibles du gouvernement nationaliste jeune-turc au pouvoir. Partagés entre deux empires rivaux qui affutent leurs armes, ils seront bientôt au coeur du champ de bataille.